Ma grand-mère m’explique le changement climatique

Article : Ma grand-mère m’explique le changement climatique
Crédit: iamdavidrotimi by Iwaria
8 décembre 2021

Ma grand-mère m’explique le changement climatique

Ma grand-mère a 68 ans, et un jour, je suis allé lui rendre visite dans sa petite maison en planches. Elle m’accueille toujours avec deux bons verres de lait de vache. Oui, au Nord-Kivu, nous avons des vaches, du sol fertile, du lait qui nourrit des estomacs gourmands comme les miens, et qui aident à la production du fromage, authentiquement congolais. Je ne vous incite pas à goûter, mais, rien ne vous en empêche !

Cependant, il y a un autre problème, celui du changement climatique. Un changement auquel les populations rurales ne s’attendaient sûrement pas. Ils ont essayé de s’adapter et prendre des mesures – bon, deux mesures principales : la patience et l’espoir. Inutile donc de vous préciser qu’aujourd’hui, l’espoir est en train de faire ses valises.

Les millions de nos grands-parents, c’était dans l’agriculture

Je tenais mon verre de lait entre les mains, et je lui ai posé une question :

Moi : Taté1, est-ce que chez vous, vous aviez aussi des vaches ?

Ma Grand-mère, avec fierté, elle me répond : Oui, nous en avions plein ! Plein, tellement qu’elles se promenaient ici et là dans notre parcelle, dans nos champs.

Moi : Vous étiez donc riche !

Ma Grand-mère : Bien sûr. A notre époque, celui qui avaient beaucoup de vaches, c’était lui le milliardaire. Ou celui qui détient beaucoup de champs.

Moi : Et maintenant alors ?

L’exode rural, mieux vaut le chômage que la faim

Ma Grand-Mère : Hum ! Maintenant, même si tu as une vache, tu n’auras presque rien à lui donner comme nourriture. Du coup, elle va te mourir entre les mains, et tu seras obligés soit de cultiver le peu de terre qui nous reste, ou carrément de te rendre en ville et débrouiller un travail.

Moi : Comment, ça ? Pourquoi quitter le village où nous avons des champs qui peuvent nous nourrir, certes avec un peu plus d’efforts. Plutôt que se lancer dans l’incertitude de la vie urbaine, où le chômage torture même ceux qui y ont grandi ?

Les bananiers qui tombent avec un simple doigt.

Ma Grand-Mère : Nous-mêmes, nous savions que c’était ça la vie. Nous avions des terres. Nous savions quelle plante, quelle racine, quel fruit cultiver en quelle saison. Combien de mois attendre avant la nouvelle récolte, et ainsi quelle quantité mettre en stock, ou quelle autre placer au marché. Il y avait bien-sûr quelques changements. Mais, à un certain moment, nous avons remarqué que le sol mettait beaucoup de temps que prévu, et c’était répétitif. A une certaine période, nous étions encore toutes jeunes, et on partait jouer dans les champs des bananiers. Nous étions étonnés de voir des gros bananiers tomber par un simple coup de pouce.

Moi : Vous n’exagérez pas là ?

Ma Grand-mère : Je n’exagère pas. Un doigt faisait tomber un gros bananier. Ou juste un matin, tu peux te réveiller et trouver toute ta bananeraie par terre. On a commencé à penser que c’était de la sorcellerie, ou la malédiction. Mais je ne crois pas. C’est quelque chose qui nous dépasse tous.

Le changement climatique, et la longévité des hommes

Moi : Ah, oui. C’est ça ce qu’on appelle Changement climatique.

Ma Grand-mère : Ahan ! moi je ne connais pas ces termes-là de la ville. Mon fils, je suis surprise de voir comment les gens meurent maintenant comme des champignons. Quand j’étais encore enfant, dans notre village, quelqu’un pouvait mourir aujourd’hui, et c’est après une année qu’un autre va mourir. Je pense que tout ça c’est dans la même histoire. Maintenant, on accélère la croissance des plantes : il fallait attendre 4 à 5 mois pour récolter une tomate. Mais maintenant, après je ne sais pas une semaine on a une tomate. Ça c’est de la sorcellerie. Et c’est comme ça que nous on mange ça. On abime d’abord la terre, mais on n’est pas satisfait, on abîme aussi nos corps. Et on a alors des complications de santé. Aujourd’hui me voici trop faible à 68 ans. Alors que la mère de ton grand-père est morte à 99 ans, encore forte. Moi, je n’ai aucune chance d’atteindre cet âge.

La conversation ne s’était pas arrêté là. Mais j’ai appris de cette vieille femme, m’a touché l’amygdale. Et quand j’y pense, je n’arrête pas de me dire qu’à mon niveau j’adopte les recommandations pour lutter contre le changement climatique.2

1. Taté veut dire Grand-mère ou grand-père, en swahili de Goma (RDC)

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